Le mélèze, seigneur de la montagne



Membre de la famille des conifères, le mélèze a tout ou presque du sapin. À une différence près, mais de taille : il est le seul résineux d'Europe à feuillage caduque. Dès l'automne, il revêt une superbe parure dorée puis perd ses épines. Arbre de montagne, il pousse rarement en plaine, hormis quelques hybrides devenus résistants.

Mon beau sapin, roi des forêts… Cette chanson, célèbre chez nous, se chante toute l'année mais revient surtout au moment de Noël, où le sapin, à défaut d'être dans les forêts, est le roi de la fête. On pourrait chanter le même refrain pour le mélèze, même si ce conifère ne sera jamais un arbre de Noël, puisqu'il se dénude en hiver. Le mélèze a pourtant bien d'autres avantages. Seigneur de la montagne, il se rencontre sur les plus hautes altitudes des Alpes, à la limite du développement de la végétation. Les sapins et les épicéas ne s'aventurent jamais aussi haut, sur des terrains aussi désolés, lessivés par l'érosion, truffés de cailloux. Le mélèze est une essence dite pionnière, qui se développe sur des terrains presque incultes, là où rien ne pousse ou n'a poussé depuis des années.

CHAMPION DE LA RÉSISTANCE AU FROID

Aussi sobre qu'un ascète, le mélèze est aussi champion de la résistance au froid. Il est l'un des seuls arbres à pousser sous des latitudes septentrionales extrêmes. Essence de la taïga, la forêt boréale qui couvre une grande partie du Canada et de la Sibérie, il côtoie le bouleau, aussi résistant et pionnier que lui. Le mélèze parvient à supporter des températures glaciales en hiver, inimaginables chez nous : jusqu'à - 70 °C !

Il s'agit là de l'espèce Larix dahurica, répandue en Sibérie. Bien sûr, les mélèzes confrontés à une telle froidure ne se développent pas de manière exubérante et ressemblent plutôt à des arbustes. Mais ils parviennent cependant à pousser et se contentent d'un été très court pour sortir leurs aiguilles, leurs fleurs et fabriquer des graines qui donneront, peut-être d'autres mélèzes.

Il existe d'autres espèces répandues sur tous les continents de l'hémisphère Nord. Larix decidua, le mélèze d'Europe, pousse en haute montagne. On le rencontre dans toute la chaîne des Alpes, surtout au sud, car il préfère un climat plus ensoleillé et moins pluvieux. En France, l'espèce a été transplantée avec succès dans les Pyrénées, les Vosges et le Massif Central. Larix decidua croît aussi à l'état naturel dans les monts en Hongrie et en Tchécoslovaquie.

Les mélèzes d'Amérique du Nord poussent dans les Rocheuses, aux confins du nord-ouest des États-Unis ainsi qu'au Canada. L'une des espèces, surnommée hackmatack par les Indiens, est capable de s'élever jusqu'à cinquante mètres de haut, rivalisant avec les plus hauts conifères des régions boréales.

DES ARBRES SUR LE TOIT DU MONDE

Plusieurs espèces sont originaires des montagnes de Chine et du Tibet, où elles poussent presque sur le toit du monde, entre deux et quatre mille mètres d'altitude. Enfin le mélèze du Japon, Larix kaempferi, est aussi résistant au froid qu'à l'humidité. Il prospère sur les versants du Fuji Yama, où les brouillards persistants ne le dérangent pas. On a pu l'acclimater en France, dans des zones beaucoup plus basses et plus humides que les Alpes du Sud. Il résiste bien mieux aux maladies que les espèces montagnardes qui meurent au bout de quelques années hors de leurs milieux de prédilection.

Le mélèze a besoin de froid pour bien se développer et il a su s'y adapter depuis des millénaires. C'est pour résister à l'hiver qu'il se comporte comme un feuillu. Dès l'automne, ses fines épines virent au jaune d'or et ensoleillent les bois et les versants montagnards dans un embrasement général. Le mélèze devient alors véritablement roi des forêts.

Ce spectacle dure peu, hélas, car les aiguilles deviennent brunes en quelques jours puis tombent rapidement. Elles forment un épais tapis, précieux pour le sol car elles se transformeront en humus et favoriseront le développement d'autres espèces végétales.

Reste le tronc et les branches minces, silhouette noire et squelettique qui semble morte. La perte des épines sert à supporter les dures conditions hivernales en montagnes ou en climat boréal. Protégé par une écorce épaisse, le mélèze ne donne aucune prise au froid et laisse passer les intempéries.

Au printemps, il renaît en émettant de fines aiguilles vert tendre, qui semblent sortir des branches nues comme par miracle. Elles poussent en petits bouquets, parsemés le long des rameaux. Des fleurs femelles et mâles distinctes apparaissent. Les premières, fécondées, grossiront pour devenir de petits cônes refermant des graines. Celles-ci seront disséminées à l'automne et au printemps suivant.

DES AIGUILLES FINES ET UN BOIS RESISTANT

Les aiguilles du mélèze, fines et vert vif, lui donnent une allure légère. Elles procurent une ombre claire contrairement au sapin et à l'épicéa. Ces derniers forment des bois si serrés qu'ils paraissent presque noirs. Ils ne manquent certes pas de majesté mais ils sont trop sombres et répandent une atmosphère lourde.

En revanche, le mélèze, aussi majestueux grâce à son tronc droit et élancé, possède une grâce aérienne avec sa silhouette svelte. Il ne faut pas se fier à cette gracilité apparente. Le mélèze donne l'un des bois les plus durs et résistants. Les chalets de montagnes étaient autrefois construits avec ce matériau. Les incendies ont souvent fait des ravages mais les maisons épargnées ont toujours belle allure. Quant aux toits de bardeaux, ils sont encore très répandus. Les larges tuiles confectionnées en bois de mélèze sont imputrescibles et absolument imperméables durant des décennies.

Durable une fois coupé, le mélèze est aussi capable de vivre longtemps sur pied. Certains spécimens accumulent les siècles. En Italie on trouve un mélèze vénérable âgé de plus de mille ans !

Avec les arbres, le temps prend une autre dimension. Mais rien ne vous empêche de tenter de planter un mélèze… dans votre jardin. Les espèces montagnardes seront utilisées uniquement dans leurs régions de prédilection. Le mélèze du Japon peut se planter partout ou presque. Les pépiniéristes ont créé plusieurs variétés aux silhouettes originales et destinées aux petits jardins. Le mélèze pleureur (pendula) offre des branches pendantes et souples et s'élève à sept mètres de hauteur maximum. " Jacbson's pyramid " arbore une forme plus classique. Quant à " Diana ", le plus curieux de tous, il montre des branches tordues en vrille et des aiguilles frisottées.

Enfin, comme tous les arbres, les mélèzes se cultivent en bonsaï. Si vous ne disposez pas d'un jardin, vous avez tout de même la possibilité d'avoir un mélèze miniature chez vous et un spectacle automnal garanti !

Christine TIMMERMAN



Texte extrait du magazine Les Veillées des Chaumières N° 2611