Le tétras-lyre, un coq sauvage



Oiseau de la famille des Gallinacés, le petit tétras, ou tétras-lyre, habite les forêts et les montagnes. Encore présent dans les Alpes françaises il est menacé par le développement des activités humaines dans ce milieu.

Les Alpes sont loin d'être un milieu exotique et pourtant elles abritent " leur " oiseau-lyre : le petit tétras. Ce volatile n'est pas aussi coloré que ceux des antipodes, mais sa queue, en forme de lyre, lui donne une élégance incontestable. Le tétras-lyre porte une livrée noire à reflets bleutés avec le bout des ailes et la queue blancs. Cet habit sobre est réhaussé par des excroissances de chair rouges, situées au-dessus des yeux, comme deux gros sourcils. Elles se gonflent au printemps, à la saison des amours.

Egalement appelé coq des bouleaux, le tétras-lyre est le cousin le plus proche du grand tétras, le coq de bruyère. Celui-ci est imposant par la taille - il est de la grosseur d'un dindon - et présente une queue qui se déploie en éventail. Beaucoup plus modeste, le tétras-lyre ne dépasse pas quatre-vingt-dix centimètres d'envergure et un poids de trois livres, pour les mâles les plus gros. Il a le même gabarit qu'une poule domestique.

Comme chez tous les gallinacés, les deux sexes se distinguent facilement par leur plumage. Seuls les coqs se parent du bel habit et des plumes de la queue de forme si particulière. Les poules sont couvertes de plumes brunes, rousses et noires : une parfaite tenue de camouflage ! Elles passent ainsi inaperçues dans les broussailles ou les rocailles. Ce manque d'élégance devient un atout quand il s'agit de ne pas être repéré, en particulier durant la couvaison.

SON RAMAGE N'ÉGALE PAS SON PLUMAGE

À l'inverse, les coqs doivent se faire remarquer. Avec le printemps arrive la saison de reproduction. Chaque tétras-lyre va entreprendre les manœuvres de séduction pour attirer les femelles. Il s'agit d'abord de trouver un lieu dégagé pour se montrer. Ces emplacements se situent toujours dans des clairières, sur des bosses, des terrains dégagés. Nommées places de chants, ce sont les mêmes d'année en année. Les mâles s'y réunissent durant tout le printemps et jusqu'à la fin juin afin de parader plumes déployées et caroncules gonflées.

Dès l'aube, c'est à qui chantera le plus fort, en chuintant puis en roucoulant, plumes ébouriffées. Ce chant peu mélodieux s'accompagne d'une danse compliquée. Jouant des ailes, ployant le cou, les coqs avancent, reculent, font de petits bonds. Les femelles arrivent un peu plus tard pour assister au spectacle, mais restent à distance.

Faisant mine de se battre au départ, les rivaux finissent par s'affronter réellementpour posséder le même territoire. Ils se jettent l'un contre l'autre afin de s'arracher les plumes à l'aide de leur bec. Ces démonstrations peuvent durer plusieurs heures. Elles sont destinées à faire étalage des forces car les poules vont alors choisir leur champion.

Le couple se forme pour quelques jours seulement. Ensuite, la femelle part à la recherche d'un endroit pour faire son nid. Le coq, lui, reprend ses parades afin de séduire une autre belle. Point de fidélité chez les tétras-lyres : il s'agit avant tout de multiplier les chances de pérenniser l'espèce.

La femelle tétras choisit un lieu tranquille, dans de hautes herbes où les touffes sont bien épaisses, ou près d'une souche, afin d'aménager un nid à même le sol. Elle y dépose des brindilles et des plumes puis se met à pondre cinq à dix œufs beiges mouchetés de brun. Elle va les couver environ quatre semaines. Immobile la plupart du temps, la poule est invisible parmi les broussailles. Elle ne se déplace que très peu pour aller se nourrir.

Les poussins brisent leur coquille presque en même temps. Quelques heures plus tard, ils peuvent quitter le nid, à la suite de leur mère, afin de commencer à se nourrir. Comme tous les gallinacés, ils sont nidifuges - contrairement aux oisillons nidicoles qui restent au nid, nourris par leurs parents durant plusieurs semaines.

C'est l'été et les insectes abondent. Les poussins se jettent sur les vers de terres, les mouches ou les sauterelles. Ils grossissent rapidement à ce régime. Leur menu varie avec l'apparition des petits fruits de la montagne. Les fleurs constituent un apport apprécié.

En août, la mue commence chez les jeunes - surtout les mâles - qui vont peu à peu acquérir leur plumage définitif. Les adultes muent également au début de l'automne. Mais cela se fait progressivement et ne les gêne pas pour voler. À l'automne, comme bien d'autres animaux, le tétras-lyre fait des réserves. Il ingurgite tout ce qu'il peut trouver avant la saison de diète. L'hiver est long et froid en montagne où la neige recouvre la végétation. Seuls aliments consommables en cette période, les aiguilles de pins ou de mélèze constituent un maigre apport énergétique. Le tétras-lyre bouge donc le moins possible pour économiser ses forces.

DES TERRIERS SOUS LA NEIGE

La nuit, il creuse la neige et s'abrite dans une sorte de terrier. Ses nombreuses plumes et très duveteuses l'isolent du froid. Ses pattes aux épais bourrelets possèdent des franges en corne qui lui évitent de s'enfoncer dans la neige en marchant.

Mais les prédateurs guettent le tétras-lyre. Les rapaces - aigles, grand duc ou autour - fondent sur cette proie idéale. Le renard, la fouine ou le blaireau se délectent des nichées ou des jeunes encore vulnérables.

Heureusement, le tétras-lyre possède une bonne vue et une ouïe fine qui lui permettent de détecter les dangers. Il jaillit des fourrés et s'envole rapidement, plongeant ensuite dans un ravin à toute vitesse.

Autre ennemi, et non des moindres, l'homme, qui le chasse depuis toujours. Seuls les mâles adultes sont autorisés comme gibier. L'extension des activités de tourisme en montagne constitue un danger préoccupant pour l'avenir du tétras-lyre. Les stations de skis, les pistes de randonnées se multiplient, empiétant toujours plus sur le territoire d'hivernage et de reproduction des tétras-lyres. La population du gallinacé sauvage décline inexorablement depuis des années, malgré la mise en place de mesures de protection.

Le tétras-lyre est présent dans les forêts d'Europe du Nord et d'Asie centrale jusqu'en Chine. Mais il serait dommage que ce coq sauvage disparaisse de nos alpages.

Christine TIMMERMAN



Texte extrait du magazine Les Veillées des Chaumières N° 2590